A LA UNECONCERTSFESTIVAL

Hellfest 2025 : Live report – jour 3 (samedi)

Ce samedi 21 juin 2025, Clisson célébrait à la fois la Fête de la Musique et la troisième journée d’un Hellfest en pleine incandescence. Entre la température dépassant les 35°, les litres de sueur évaporés dans les pits et une programmation riche en contrastes, le marathon sonore se poursuivait sans répit. Des envolées Power Metal sur les Mainstages aux profondeurs du Black atmosphérique dans la Temple, en passant par les secousses hardcore de la Warzone ou les cataclysmes émotionnels de la Valley, chaque scène avait son univers bien défini. Retour sur nos choix de cette journée brûlante.

Vestige – Altar – 10h30

A fleur de peau

Après une journée accablante la veille on aurait bien prolongé un peu le sommeil réparateur. Honnêtement, on craignait rater le début du set de VESTIGE. Mais grâce à un réveil en sursaut et une synchronisation quasi divine avec la navette, on arrive pile à temps pour assister à leur concert dans son intégralité. Et quelle claque !

VESTIGE, projet né en 2022 de la tourmente personnelle de son fondateur Théodore Rondeau, dépasse le simple cadre musical. Ce groupe est une catharsis mise en forme ave cinq musiciens, une âme commune et un objectif clair : creuser dans la mélancolie pour mieux en extraire des fragments de lumière. La setlist enchaîne « Automne pt. 1 », « Appel de l’Âme », « Corrosion », « Envy » et « Deviens la Nuit », en suivant un arc narratif émotionnel d’une redoutable justesse.

Leur musique, à la croisée du Post-black, du Shoegaze et d’un Metal moderne oscille entre l’éther et la tempête. Par moments, le chant hurlé déchire les nappes contemplatives comme un cauchemar dans un rêve. VESTIGE, c’est l’élégance de la douleur. On pense à Sigur Rós plongé dans l’obscurité d’Amenra, à du Alcest nourri au désespoir. VESTIGE ne donne pas un concert. Il propose un voyage sensoriel, un miroir tendu à nos propres douleurs. Et en ce début de journée, il nous a offert bien plus qu’un simple concert : un moment suspendu où l’intime rencontre l’universel.

LUCIE SUE – Mainstage 1 – 11h05

De Steel Panther à la Mainstage 1

Sous un ciel encore timide, une silhouette surgit sur la Mainstage 1 avec sur les épaules une tenue de hockeyeur et une Flying V en bandoulière. LUCIE SUE, rockeuse basque à l’univers aussi mordant qu’attachant, débarque avec aplomb. Et d’entrée le ton est donné : entre second degré assumé et riffs bien placés, on sent qu’on ne va pas s’ennuyer.

Elle nous rappelle, sourire aux lèvres, son passage improbable sur cette même scène avec STEEL PANTHER quelques éditions plus tôt. Un souvenir un peu fou qui contraste joliment avec la maturité de sa proposition actuelle. Car aujourd’hui, c’est bien son nom qui s’affiche à l’arrière sur l’écran géant, et son univers qu’elle impose sans forcer.
Durant une demi-heure, LUCIE SUE livre un set aussi punchy que sincère, enchaînant les titres avec une énergie qui défie la fatigue matinale. Les singles déjà connus comme « Battlestation », « Reckless » ou « Ride the wired wild tiger » déclenchent les premiers headbangs, tandis que d’autres morceaux plus récents, probablement extraits de l’album à venir le 29 août, installent peu à peu une signature sonore à la fois rugueuse, fun et mélodique.

Soutenue par un vrai groupe, elle gagne en épaisseur sur scène : les guitares claquent, la section rythmique pousse, l’ensemble sonne résolument live et donne envie d’en voir plus. Et quand elle lâche une vanne bien placée entre deux morceaux, on se dit que LUCIE SUE c’est aussi cette sincérité décomplexée qui fait toute la différence, surtout quand elle nous lance en fin de set « C’est le dernier morceau avant d’aller rôtit en enfers ». Une artiste en pleine affirmation. À surveiller de très près dans les mois qui viennent.

MAJESTICA – Mainstage 2 – 11h40

A fond les wagons vers le royaume du Power Metal

Il est presque midi quand MAJESTICA monte sur la Mainstage 2. Le set débute avec le grondement d’un train qu’on retrouve sur l’immense backdrop, clin d’oeil à leur dernier album Power Train, sorti  le 7 février 2025. Le groupe embarque alors instantanément Clisson dans un voyage lumineux à bord du Power Metal suédois le plus flamboyant du moment.
Mené par le charismatique Tommy Johansson, ancien guitariste de SABATON et désormais frontman à part entière, MAJESTICA fait l’effet d’un grand huit euphorisant. Guitare en main et sourire vissé au visage, Tommy incarne l’idée même du guitar hero moderne.
La setlist enchaîne les tubes comme « Power Train », « Rising tide » ou l’entraînante « Night call girl » sur lequel toute la fosse tape des mains. Au bout d’un moment, on ne compte plus le nombre de circle pits durant le show tellement ils s’enchaînent. Sur « Above the Sky » les refrains sont repris à pleins poumons et le final « Metal united » transforme la fosse en karaoké géant avec chaleur humaine et bonne humeur contagieuse.
MAJESTICA continue de réveiller Clisson avec panache, humour et virtuosité. Le Power Metal dans ce qu’il a de plus fédérateur, sincère et galvanisant.

WITCH CLUB SATAN – Temple – 12h15

Les prêtresses du chaos

La Temple était pleine à craquer ce samedi midi, aimantée par une aura étrange. Sur scène, un immense backdrop à l’aspecte plutôt malaisant donne le ton. L’atmosphère sera rituelle et obscure. Deux petits drapeaux norvégiens flottent dans la fosse, comme pour rappeler l’ancrage de ce trio dans les terres glacées d’où est né le Black Metal.

C’est vêtues de blanc immaculé, la tête couronnée de coiffes cornues évoquant la Bête et corpse paint sur le visage, que les trois prêtresses de WITCH CLUB SATAN font leur entrée. Une vision contrastée et mystique : leur apparente pureté vestimentaire dissimule une rage incantatoire. Leur Black Metal est viscéral, expérimental, profondément habité. Johanna Holt Kleive (batterie), Victoria F. S. Røising (basse) et Nikoline Spjelkavik (guitare) sculptent un chaos sonore aux racines Punk, une transe furieuse qui invoque les sorcières brûlées, les femmes effacées de l’histoire.

À mi-parcours, le rituel prend un tournant. Elles reviennent torse nu, pantalon rouge, perruques noires ruisselantes et corps maculés de faux sang. L’impact est total. Entre violence cathartique et performance symbolique, leur art devient cri de révolte féministe. Et comme pour briser définitivement la barrière scène/public, elles terminent le set en se jetant dans la foule. 
WITCH CLUB SATAN ne donne pas un concert : elles convoquent un sabbat. Un moment de communion radicale et libératrice.

URNE – Altar – 12h50

Sous l’autel brûlant, les cendres d’URNE s’élèvent

Sous la tente saturée de chaleur de l’Altar, URNE s’est imposé comme l’une des révélations du jour. Le trio londonien, actif depuis 2016, monte sur scène porté par un bouche-à-oreille de plus en plus flatteur, notamment depuis la sortie de leur dernier album A feast on sorrow, enregistré dans le studio new-yorkais de Joe Duplantier (GOJIRA). Un parrainage de choix qui ne doit rien au hasard. Et dès les premières notes de « Serpent & Spirit », on comprend pourquoi.

Leur métal hybride – quelque part entre le sludge et le post-metal – prend aux tripes. « Becoming the ocean » et « To die twice » dégagent une puissance brute, tandis que « Desolate heart » touche une corde plus intime, presque désespérée. Chaque morceau semble construit comme un récit, alternant fureur abrasive et passages introspectifs. Le chant de Joe Nally incarne cette tension permanente. Tantôt growlé, tantôt crié avec rage, il s’autorise aussi quelques instants de clarté vocale saisissants.
Malgré la chaleur étouffante (plus de 40 °C sous la tente), le public est bien là, captivé par cette musique progressive et émotionnellement dense. Entre deux titres, Joe s’adresse à la foule avec humilité et reconnaissance, évoquant ce rêve de jouer au Hellfest qui devient réalité, et remerciant avec ferveur GOJIRA pour leur soutien.

On ressort secoué, lessivé mais conquis. URNE confirme tout le bien que l’on disait d’eux. Un groupe à suivre de très près, dont le passage au Hellfest 2025 pourrait bien être le début d’une histoire plus grande encore.

VISIONS OF ATLANTIS – Mainstage 2 – 16h00

Les flibustiers font chavirer la Mainstage

À 16h pétantes, la Mainstage 2 largue les amarres direction haute mer avec VISIONS OF ATLANTIS à la barre. Deux ans après les avoir découverts dans une petite salle près de Montpellier, on attendait avec impatience de les voir déployer tout leur arsenal scénique en grand format. Et dès les premières notes de « Master the hurricane », on comprend que ça va être grandiose.

Sur scène, tout est là pour nous embarquer dans une odyssée pirate digne des plus gros blockbusters : un décor reproduisant l’arrière d’un navire, des tonneaux, des filets, une toile de fond en pleine bataille navale et une débauche de pyrotechnie qui ponctue chaque refrain. Le duo vocal Clémentine Delauney / Michele Guaitoli déborde de charisme et leur complicité rend une fois de plus l’expérience immersive.

Le public est à fond, bras levés, voix en chœur. Michele en profite et n’hésite pas à réclamer un circle pit, histoire de bien faire tanguer le navire. Les titres s’enchaînent : « Clocks », « Legion of the seas », « Hellfire », « Melancholy angel », « Armada ». Et chacun résonne avec une puissance tel un boulet de canon tiré. Puis vient le moment culte sur « Pirates will return », où le groupe fait asseoir toute la fosse pour les faire ramer comme de véritables galériens. Une scène magique qui montre à quel point le groupe sait fédérer.

VISIONS OF ATLANTIS, c’est le genre de groupe qui transforme un simple concert en aventure. Entre le show visuel, l’ambiance épique et la générosité des musiciens, on est ressorti de là avec une seule envie : remettre les voiles avec eux, et cela dès que possible.

GRIMA – Temple – 18h40

Un hiver qui dévore la chaleur

Dès l’annonce de l’affiche du Hellfest 2025, il y avait un rendez-vous qu’on savait immanquable : GRIMA sous la Temple. On avait encore en mémoire leur passage, chez nous, à Marseille en janvier 2023, dans une petite salle intimiste… mais pas forcément taillée pour leur univers. Ce soir-là, malgré l’intensité, la magie avait été un peu contenue, étouffée par un cadre qui ne leur rendait pas justice. Depuis, on rêvait de les revoir dans un écrin à la hauteur de leur aura.

Et là, enfin, le décor était parfait ! La pénombre de la Temple, la foule compacte et cette chaleur lourde prête à être transpercée par le froid sibérien qu’ils allaient nous offrir. Les quatre silhouettes masquées de bois et drapées de noir s’avancent et dès les premières notes de « Beyond the dark horizon« , le voyage commence. C’est glacial, hypnotique, presque rituel. Le chant de Vilhelm, tantôt strident, tantôt murmuré, agit comme une incantation. On ferme les yeux et on y est : forêts gelées, vent mordant, silence oppressant.

Les morceaux s’enchaînent sans pause : « Flight of the silver storm », « Hunger God », « Giant’s Eternal Sleep », « Skull Gatherers »… Chaque titre enfonçant un peu plus le public dans cette transe glaciale. Les guitares s’entremêlent, les frappes de batterie martèlent comme un cœur battant dans la nuit et les samples ajoutent une couche ‘’atmosphère forestière. Sur « Siberian Sorrow » et « The shrouded in Darkness », l’intensité est telle que la tente semble se contracter autour de nous.

Aucun mot, aucune interruption : juste cette plongée dans un monde où la lumière est rare, où la beauté se trouve dans la désolation. Quand tout s’éteint, un souffle parcourt la Temple, comme si même le vent avait répondu à leur appel. GRIMA, enfin vus comme il se doit, a offert un moment suspendu, glacial et inoubliable.

TERROR – Warzone – 20h40

Explosion hardcore sous haute tension

Pour une fois qu’on a du temps, on arrive suffisamment à l’avance. Il est tout juste 20h mais la Warzone déborde déjà de monde, littéralement pleine à craquer. Pas un centimètre carré de libre dans la fosse, sur les flancs ni sur les buttes. Tout le monde veut sa dose de hardcore pur jus. Et pour cause, TERROR, formé en 2002 à Los Angeles, est devenu un pilier incontournable de la scène hardcore mondiale. 

Rien de tel pour faire monter la pression que de lancer les hostilités sur l’intro du mythique « Chaos A.D ». de SEPULTURA. L’effet est immédiat : une onde électrique secoue la foule. Puis, lorsque le groupe déboule sur scène avec « One with the underdogs », c’est alors l’explosion. La fosse devient un ring sauvage, un chaos organisé fait de circle pits, de slams, de cris et de sueur. L’effet est instantané, viscéral, jouissif !

Scott Vogel, frontman iconique depuis plus de 20 ans, reste fidèle à sa réputation. Haranguant la foule entre chaque morceau, il pousse les festivaliers à tout donner.
Côté setlist, c’est un feu d’artifice condensé de classiques et d’extraits du dernier album Pain into power, qui date quand même de 2022.

Chaque titre est un uppercut : « Spit my rage », « Return to strength », « Boundless contempt » et le final sur « Keepers of the faith », tous font mouche.
TERROR, c’est l’essence même du hardcore : rapide, sincère, sans concession. Et dans cette Warzone chauffée à blanc, leur performance fait l’effet d’un exutoire collectif. Pas de place pour la demi-mesure. Ce soir, le Hellfest s’en souviendra.

HAVE A NICE LIFE – Valley – 21h40

Une cathédrale de sons et d’émotions pour une première française

Il aura fallu 25 ans pour que HAVE A NICE LIFE se produise enfin en France. Formé en 2000 dans le Connecticut, le duo Dan Barrett et Tim Macuga, longtemps resté discret, n’a commencé à arpenter les scènes qu’à partir de 2017, épaulé par quatre musiciens pour donner une véritable dimension live à leur univers sonore. Au Hellfest 2025, leur concert dans la Valley est ainsi un moment rare, une première sur le sol français.

Connu pour leur œuvre culte Deathconsciousness, longue messe lo-fi nourrie entre autre de post-punk, de shoegaze et de gothique, HAVE A NICE LIFE déploie en live une version magnifiée de leur musique. Toujours ténébreuse, mais d’une ampleur inédite. Le mur de sons est saisissant, les basses écrasantes, les voix hantées, les guitares stridentes. Dan Barrett semble parfois habité, quasi-transcendant sur « Burial society » ou « Defenestration song ». Le public, silencieusement captivé, se laisse porter presque médusé par cette spirale émotionnelle qui se termine en apothéose avec les très attendues « Bloodhail » et « Earthmover ».

Le dernier album Sea of worry, paru en 2019, n’a fait que confirmer l’impact souterrain du groupe sur une scène alternative qui leur doit beaucoup. Ce soir, c’est un moment suspendu, mélancolique et bouleversant auquel nous avons eu droit. Espérons qu’il ne faille pas à nouveau patienter un quart de siècle pour revivre une telle communion.

DEFEATER – Warzone – 22h50

Le cœur en feu à la Warzone

Alors que JUDAS PRIEST fait rugir la Mainstage et qu’ABBATH s’apprête à brûler la Temple de ses flammes nordiques, on opte pour l’inconnu. Ou plutôt, pour une lacune à combler. Direction la Warzone pour notre toute première fois avec DEFEATER.

Et quel bon choix ! Depuis les premières secondes, les Américains nous embarquent dans leur hardcore mélodique et vont livrer un show à haute intensité, mené par Derek Archambault. Ce dernier, casquette vissée et rage au ventre, empoigne la scène comme si sa vie en dépendait. Dès « Bastards », les cris du public s’entrelacent avec les siens et chaque ligne semble être scandée par une foule qui ne demande qu’à communier. Les morceaux s’enchaînent sans temps mort : « No shame », « Spared in hell », « No Guilt », « Dear father »… À chaque morceau, une nouvelle salve de slameurs s’élance, vague après vague, dans une chorégraphie furieuse et quasi hypnotique. Ce flot ininterrompu semble ne jamais vouloir s’arrêter, porté par la fraîcheur bienfaisante de cette nuit d’été.

Et puis, aux premiers rangs, dans cette poésie pleine de rage, une scène m’interpelle : un couple. Lui, T-shirt blanc à l’effigie du groupe, l’air de vivre chaque note avec ferveur. Elle, en petite robe d’été, n’a pas franchement le look typique de la Warzone, mais elle ne flanche pas. Blottie contre lui, elle se serre dans ses bras comme pour se protéger. Il l’enlace fort, comme pour dire « je suis là ». Et dans ce tumulte, alors que les slameurs les frôlent, qu’autour d’eux tout explose d’énergie, ils s’embrassent. Un baiser passionné, suspendu dans l’instant. Rien ne semble pouvoir les atteindre. Leur amour rayonne, là, entre l’obscurité de la fosse et les faisceaux lumineux de la scène. Un instant de grâce au cœur de la tempête.

Quand arrive « Headstone », le calme relatif résonne comme une pause offerte à cette émotion brute. Mais rapidement, « Cowardice » puis « The red, white and blues » viennent refermer la parenthèse avec puissance. On repart vidé mais heureux. Oui, DEFEATER a toujours la rage et ils ont prouvé qu’elle peut aussi être belle. Et qu’au cœur du vacarme, la tendresse peut triompher.

La soirée touche à sa fin pour nous. Après deux journées intenses sur le Hellfest Le Off et cette troisième journée encore écrasée par la chaleur, notre petit corps d’humain commence à accuser le coup. L’envie de tenir bon jusqu’au bout est bien là mais la sagesse l’emporte. On décide de rentrer, histoire de recharger les batteries pour profiter pleinement de la dernière ligne droite, ce dimanche qui s’annonce intense.

Mais avant de quitter les lieux, on s’accorde un dernier moment suspendu. En mode ralenti, on tend l’oreille vers la Mainstage où résonnent quelques classiques de SCORPIONS. Ces mélodies familières, celles qui ont bercé nos premières années Rock, nous accompagnent une dernière fois dans la nuit clissonnaise. Un doux mélange de nostalgie et de gratitude, parfait pour clore cette journée riche en émotions et en décibels.

Lieu : HELLFEST
Ville : Clisson (44)

Date : 21/06/2025