Rhodanian Fest : la nuit de l’Apocalypse à Pont-Saint-Esprit
Le 15 août 1951, la commune de Pont-Saint-Esprit entrait tragiquement dans l’histoire avec un fait divers bien étrange que l’on nomma « la nuit de l’apocalypse ». Une intoxication collective au pain contaminé plongeant des dizaines de personnes dans la folie. Soixante-quatorze ans plus tard, le calme est revenu sur ce petit bourg du Gard… du moins jusqu’à ce 19 juillet 2025. Car ce soir-là une autre « nuit de l’apocalypse » a frappé dans le parc de l’Hôtel de Ville. Mais cette fois-ci, elle était musicale, métallique, et follement jubilatoire.
Sous l’impulsion de la jeune et dynamique association Rhône’s Headbangers, le Rhodanian Fest lançait sa première édition avec une affiche 100% sudiste : ECHOES OF HATE, SEPTARIA et SILHOUETTE. Un pari audacieux, surtout avec les craintes matinales liées à un orage menaçant et la question que tous les organisateurs se posaient : le public répondra-t-il présent ?
À l’arrivée, vers 19h, l’ambiance est encore détendue. Les balances sont en cours, quelques curieux s’installent doucement, profitant de la fraîcheur offerte par les arbres du parc et le charme bucolique de la petite étendue d’eau qui borde les lieux. Des tables sont dressées façon guinguette, des chaises sont à disposition pour les familles, des food trucks appétissants et quelques stands de merchandising prennent vie peu à peu. Le cadre est idéal, presque trop sage pour accueillir des décibels ravageurs.
Le début du concert est prévu pour 20h30 et à mesure que l’heure approche, la pelouse verte se transforme en marée noire : celle des t-shirts de groupes de Metal fièrement arborés. Le public s’étoffe, se rassemble mais surtout vibre d’impatience.
ECHOES OF HATE : déchaînement inaugural
C’est ECHOES OF HATE qui donne le coup d’envoi du Rhodanian Fest. Originaire de Valence, le groupe formé en 2020 a frappé un grand coup fin 2024 avec Negative thoughts, un premier album incisif et sincère.
Sur scène, les cinq musiciens fusionnent avec brio l’agressivité du Metalcore anglo-saxon, la nervosité du Hardcore et une sensibilité Post-Hardcore. Les titres s’enchaînent avec une belle maîtrise : « Negative thoughts », « From bad to worse », « Like moth to flame » en passant par « Every David needs a Goliath« , leur premier single et clip.
Moment de surprise, et clin d’œil générationnel, ECHOES OF HATE glisse une reprise de Blink-182 avec « Feeling this », provoquant des cris de joie dans le public. En se retournant, on prend la mesure de l’effet produit : la foule a grossi, les têtes s’agitent, les bras se lèvent. La température monte.
SEPTARIA : crescendo d’énergie et d’émotion
Puis vient SEPTARIA, groupe vauclusien qu’Under a Metal Sun suit avec une attention particulière depuis la sortie de leur superbe album Astar en 2024. Ce soir, c’est déjà la cinquième fois que nous les retrouvons en moins d’un an. Aussi, comme en plaisantait Hugo L., le batteur du groupe : « depuis que tu nous vois, tu dois plus rien avoir à dire sur nous ? ». On pourrait le croire car même si on connait la setlist par cœur, il y a toujours quelque chose à dire et jamais l’impression de redite. Chaque concert est une nouvelle histoire, un nouveau lieu, un nouveau public.
Après leur passage remarqué sur la Hellstage du Hellfest en juin dernier, les quatre musiciens abordent cette soirée avec une énergie intacte, sans la pression des grandes scènes. Ici, tout est sincère, brut, chaleureux. Et le public le ressent , aux crash barrières ça headbangue à s’en casser la nuque, ça pogote et un wall of death sera même de la partie où garçons et filles jouent des coudes.
Dès les premiers accords de « Moment présent », le public répond et les têtes se balancent. Les titres s’enchaînent : « Sagittarius », « Astar », « Centaure », « Psyché » … et bien sûr « Sky’s words », ce morceau final planant magnifié par le saxophone de Baptiste, véritable moment suspendu sous les étoiles.
Les visages dans le public sont tous radieux… conquis, pour les nouveaux adeptes… aux anges, pour les fans de la première heure… l’émotion est là. Elle plane au-dessus de nous tous. Alors, oui, j’aurai toujours des choses à dire sur les lives de SEPTARIA car ces quatre petits gars nous font vibrer d’une onde qui rayonne de richesse intérieure et d’intensité. Et pour cela, messieurs, on vous dit tout simplement : « Merci ».
SILHOUETTE : la nuit prend une autre forme
Formation montpelliéraine de black atmosphérique, SILHOUETTE clôture le festival avec une grâce noire qui contraste magnifiquement avec l’énergie brute des précédents groupes. Malgré l’heure avancée et quelques départs – notamment parmi les familles venues plus tôt – le public reste dense et attentif. Et surtout, il est surprenant. Face à la scène, on croise des jeunes mamans, des seniors, des curieux sans look apparent de Metalleux, mais tous captivés.
Avec « L’éveil » en ouverture suivi de « La première neige » , ils jouent ensuite plusieurs titres de leur premier album Les dires de l’âme, sorti également à l’automne 2024. Le Black Metal peut parfois rebuter par son côté inaccessible musicalement mais SILHOUETTE nous prend par la main en nous guidant dans une nuit noire mais apaisante.
Parfait équilibre entre douceur et furie, la voix cristalline d’Ondine enlace les screams viscéraux de Yharnam. Les guitares tissent une nappe sonore immersive alors que les rythmes soutenus hypnotisent le public qui, moins timide qu’en début de soirée, est venu au plus près de la scène afin de communier et partager cette pause dans le temps. Le temps semble suspendu mais tout à une fin. Aussi, « Dysthymie » et « Les dires de l’âme » viennent conclure . Plus qu’une représentation, ce fut une catharsis douce-amère qui résonne longtemps après les derniers accords.
Trois groupes, trois univers, trois expériences. Cette première édition du Rhodanian Fest a prouvé que la musique Metal a toute sa place à Pont-Saint-Esprit. Le public, local ou de passage, a répondu présent en nombre, dans un esprit bienveillant et familial.
Il faut saluer ici le travail de Rhône’s Headbangers, qui a su proposer un événement accessible (et gratuit !), convivial et professionnel, sans rien céder à la qualité musicale. Des conditions d’accueil optimales, des bénévoles au top, une programmation audacieuse et une ambiance irréprochable : voilà une formule gagnante qu’on espère voir perdurer.
Alors oui, il y a 74 ans, la ville connaissait sa nuit de l’apocalypse. Mais en ce 19 juillet 2025, c’est une tout autre apocalypse qu’elle a vécu : bruyante, vibrante, lumineuse et salvatrice.
Vivement la deuxième édition !