PËRL – « Architecture du vertige »
Le Post-Metal au rang d’art poétique
Il y a des groupes qu’on découvre par hasard et qu’on n’oublie pas. PËRL en fait partie. Nous les avions vus jouer un samedi pluvieux du Hellfest 2024, alors qu’ils venaient de remporter le Voice of Hell. Un peu de monde s’était aventuré devant la scène détrempée de la Valley, mais leur concert fut une parenthèse suspendue, une pause poétique au cœur de la fureur du festival. Un an plus tard, les Parisiens reviennent avec Architecture du vertige, un disque qui porte bien son nom : un équilibre fragile entre puissance et vertige, colère et contemplation.
Le trio (quatuor sur scène) livre ici sept titres ciselés comme des cathédrales émotionnelles, produits par Étienne Sarthou (également batteur d’AqME) et masterisés par Magnus Lindberg (membre de Cult of Luna). On y retrouve tout ce qui fait la singularité du groupe. Des guitares éthérées qui explosent sans prévenir, une basse dense, une batterie organique et surtout la voix d’Aline Boussaroque, véritable fil conducteur de cet édifice sonore. Sa capacité à passer du murmure caressant au cri viscéral, sans jamais perdre la justesse émotionnelle, est impressionnante. Le tout intégralement dans la langue de Molière !
Chaque morceau semble construire puis déconstruire un monde. « Au royaume des songes » ouvre l’album dans une lente ascension avec cette basse qui au début semble écraser l’air, tandis qu’Aline déroule un chant clair-obscur, oscillant entre douceur quasi-chanson française et rugissements écorchés. L’ensemble navigue entre tempêtes et accalmies, entre poésie et rage. Ensuite, « Naufragée des nuages » s’enfonce dans un chaos poétique où le chant d’Aline flirte au début avec le rap pour revenir vers cette voix rageuse.
Chaque titre est un vertige, un équilibre fragile entre la chute et l’élévation. « La Chute » est sans doute le morceau qui incarne parfaitement cette tension. Par ailleurs, « Land’s end » en duo avec Sam de POINT MORT qui chante en anglais, semble suspendre le temps et atteint un sommet d’intensité émotionnelle. Quant à la reprise de « Fjara » de SÓLSTAFIR, revisitée en français et sublimée par le saxophone de Yannick Renaud, celle-ci parachève cette expérience sensorielle où Post-Metal, Post-Black et chanson française teintée de Rock se répondent sans jamais se heurter.
PËRL signe un disque où tout respire la cohérence malgré la multiplicité des influences. Les transitions, les ruptures et les respirations donnent à l’ensemble une belle fluidité. Mais c’est bien la poésie qui fait de Architecture du vertige un album unique. Les textes explorent la chute, la mémoire, la beauté dans l’éphémère. Aline y déploie un lyrisme incarné, parfois intime, parfois cosmique, mais toujours bouleversant. Aussi, la production soutient chaque mot, chaque souffle, chaque coup porté au cœur.
Avec Architecture du vertige, PËRL nous offre un album littéraire et viscéral. Un mélange du Spleen de Baudelaire, de la prose de Louis Aragon, d’une dose d’Alcest et de Sylvaine. C’est un disque de contrastes, à la fois féroce et fragile, qui se vit autant qu’il s’écoute : une œuvre à hauteur d’âme, née du vertige et taillée dans la lumière vacillante des émotions humaines.

