HELLIXXIR – « Beyond the frame »
HELLIXXIR ne fait pas dans la demi-mesure depuis sa naissance en 2001. En plus de vingt ans, le groupe grenoblois est devenu l’un des acteurs du Metal extrême français, d’une scène bien moins mainstream mais plus underground. Au fil des années, leur musique est devenue un mélange où Thrash, Death, Heavy et les ombres du Black Metal se mélangent dans un chaos parfaitement contrôlé. Le line-up actuel reste soudé comme un bloc d’acier trempé. Alexandre Marin, au chant, porte les textes avec intensité comme s’il arrachait chaque mot à ses entrailles. À ses côtés, Romain Charbonnier martèle ses fûts tandis qu’Alexandre Moulin ancre l’ensemble sous une basse sombre qui accompagne les guitares de Mathieu Laforêt et Laurent Couarraze.
Avec les années, HELLIXXIR s’est forgé une solide réputation de scène, partageant l’affiche avec des grosses pointures comme ROTTING CHRIST, ENTOMBED ou DECAPITATED. Leur précédent album sorti en 2019, The black fortress, marquait déjà un tournant, porté par un nouveau chanteur et un nouveau bassiste. Puis viennent six années de silence, marquées par une pause forcée et un monde à l’arrêt. Six années à affûter les armes, à repenser chaque détail. Et le 28 novembre 2025, Beyond the frame surgit enfin chez M&O Music. Un album pensé, mûri, presque sculpté dans la pierre.
Après un court carillon aux accents étrangement anxieux, HELLIXXIR lève le voile sur Beyond the frame avec « The Sun will no longer rise », un titre qui frappe immédiatement. Le morceau déboule avec une énergie brute, portée par des pulsations Black Metal qui évoquent par instants les froides rafales d’un IMMORTAL. Amusante coïncidence quand on se rappelle que les Norvégiens possèdent un titre du même nom sur Pure Holocaust. Dès ces premières minutes, une certitude s’impose. Le groupe ne se contente pas de composer, il met en scène. Derrière les riffs acérés, on devine déjà le fil rouge du récit tortueux de ce personnage sur la pochette aux intentions troubles errant vers une ville où il s’apprête à commettre l’impardonnable. Un décor noir, malsain, qui deviendra la toile de fond de tout l’album.
Ce quatrième effort frappe par sa densité. HELLIXXIR ne cherche pas uniquement à aligner des charges frontales mais à construire un univers. Le groupe joue sur l’épaisseur des ambiances, la manière dont les riffs étouffent ou libèrent, dont les breaks ouvrent des gouffres ou tendent les nerfs. L’un des exemples les plus parlants se trouve dans « An overview of the great beyond ». Le titre débute avec un motif à la fois rampant et hypnotique qui trace une ligne continue avant de basculer, plus d’une minute plus tard, dans une accélération qui prend aux tripes. La montée est méthodique, presque cérémonielle, et la chute finale se fait dans un riff apaisé, comme une respiration arrachée de force après l’effort. Plus loin, l’interlude « Prelude to the shrouded path » se fait fragile. Une halte presque méditative qui laisse entrevoir une lueur vacillante au milieu du chaos. Une accalmie trompeuse puisque ce climat annonce la déflagration suivante. « A gathering for all wasted souls », morceau glacé et furieux. L’atmosphère y devient suffocante, oppressante, presque rituelle.
Le coup de cœur revient à « Homo patiens », un titre qui dévoile une facette plus mélodique et mélancolique du groupe. Les chœurs vaporeux en arrière-plan y ajoutent une profondeur inattendue, une émotion sourde qui contraste avec la violence globale de l’album. Une subtile respiration avant l’ultime descente. Car la fin arrive comme une sentence. « Verses of the final purge » porte très bien son nom : lourd, final, implacable. Tout ce que l’album construit converge ici, dans un dénouement qui écrase autant qu’il libère.
Avec Beyond the frame, le groupe livre sans doute l’un de ses travaux les plus intenses. Un disque profond, techniquement affûté, émotionnellement sombre, qui prouve que même les formations évoluant dans l’ombre continuent de porter une lumière intérieure. Celle qui pousse à créer sans relâche, malgré les années et les silences. Ici, HELLIXXIR ne se contente pas de revenir. Il revient en racontant quelque chose, et ça change tout.

